jeudi 11 octobre 2012

Tenter de fermer l’hôpital pédiatrique Trousseau était une bêtise.

LIBERATION le 25 Sept

Jean-Marie Le Guen : «Les hôpitaux de Paris ont subi une véritable maltraitance»

Le député PS Jean-Marie Le Guen arrive à l'Assemblée nationale le 18 juin 2012 à Paris
Le député PS Jean-Marie Le Guen arrive à l'Assemblée nationale le 18 juin 2012 à Paris (AFP)

Interview A la veille d'un conseil de surveillance de l'AP-HP, son président dénonce la gestion des dernières années.

Recueilli par ERIC FAVEREAU
On entend moins parler des hôpitaux de Paris. Cette semaine, pourtant, s’annonce importante, avec mercredi une réunion du conseil de surveillance. Les hôpitaux de Paris subissent une forte rigueur budgétaire. Mais pour aller où?
Jean-Marie Le Guen, député socialiste, est adjoint au maire de Paris, en charge de la santé.  A ce titre, il vient de retrouver son poste de président du conseil de surveillance de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP). Avant la réunion de ce conseil mercredi, il fait le point sur l'AP-HP. Et critique vertement la gestion des années passées.
Comment va le «plus grand hôpital d’Europe»?
En convalescence. Nous allons tenter de le faire redémarrer et lui redonner confiance. Pendant cinq ans, les hôpitaux de Paris ont subi une véritable maltraitance, avec la seule logique comptable pour les faire vivre. L’AP-HP a été systématiquement critiquée, vilipendée, humiliée par les pouvoirs publics, avec des pressions budgétaires très fortes et une attitude de mépris et de refus de dialogue…
Certes, mais l’AP-HP était riche, et il y avait nécessité de la réorganiser…
Bien sûr qu’il fallait s’adapter, mais le seul critère qui était mis en avant était un critère comptable: faire des économies par des suppressions d'emplois. Or, la réorganisation de l’offre de soins doit avoir d’autres objectifs: elle doit s’adapter à la demande, à la montée en puissance des maladies chroniques, par exemple.
Le regroupement des hôpitaux des vingt établissements en sept groupes, vous le critiquez aussi?
Pas sur le principe, mais il y a eu des erreurs. Tenter de fermer l’hôpital pédiatrique Trousseau était une bêtise. A Paris, nous avons besoin de trois hôpitaux pédiatriques. Pour le reste, moderniser l''hôpital, mutualiser les moyens est utile, et mieux définir l’identité de chaque hôpital est important.
Vous pouvez être plus précis?
La réforme des maternités a montré la direction dans laquelle il faut aller pour garantir une prise en charge adaptée à tous. Aujourd’hui en France, elles sont classées en trois niveaux: un niveau de base, un niveau de compétence, et puis un niveau de haute spécialisation avec un service de réanimation néonatale. Il faut aller dans le même sens, par exemple en cancérologie : les services ne doivent plus être éclatés mais regroupés autour du malade pour simplifier le parcours de soins.
Que pensez-vous de la fermeture de l’Hôtel-Dieu ou plutôt sa transformation en un hôpital de santé publique?
J’en ai toujours été partisan. La transformation de l’Hôtel-Dieu est une vieille histoire: à un moment, on a voulu le fermer complètement et le vendre au Palais de justice voisin. Aujourd’hui, conserver sa vocation hospitalière avec une offre de soins importante et innovante, et en faire un site universitaire de santé publique, c’est une idée juste et pleine d’avenir.
Et sans aucun lit d’hospitalisation?
Vous savez, ce n’est plus le critère. Nous sommes passés de l’hôpital qui enfermait à l’hôpital qui couchait les malades, et maintenant il faut aller vers un lieu qui soigne et qui regroupe du savoir et de la technologie. Les lits ne sont plus le repère, ce sont des nouvelles pages de l’histoire hospitalière qui sont à écrire…
Mais aujourd’hui, qu’es-ce que l’AP-HP?
C’est certes le plus grand hôpital universitaire d’Europe, mais c’est surtout un hôpital de Paris et de toute l’Ile-de-France. Il faut inventer de nouvelles formes d’organisation qui nous permettent de concilier la territorialité et l’excellence. Comme concilier des soins d’une extrême spécialité avec des soins de proximité. Comment répondre aux demandes de santé publique?
Les emplois vont-ils continuer de baisser à l’AP-HP?
Plus de 4000 emplois ont été supprimés dans les cinq dernières années. Les contraintes budgétaires vont continuer, mais les diminution d'emplois ne peuvent plus être le seul objectif de la politique hospitalière.
Allez-vous enfin sanctionner les dépassements d’honoraires exorbitants?
Il y a une loi, elle sera appliquée. Mais il ne faut pas se focaliser sur cette seule question, car le débat sur l’accès aux soins est bien plus vaste que la situation d’un chirurgien qui prend trop cher. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que tous les services garantissent un niveau de qualité suffisant.Il faut aller vers plus de transparence et plus de qualité.
Avez-vous un calendrier?
Le changement, c’est tout de suite. Il faut un renouveau du dialogue social. Il faut, par exemple, traiter en urgence la question du logement du personnel, mais aussi soulager le quotidien des soignants par des investissements de proximité.